DE L'ORIGINE ET DES PRINCIPALES CAUSES DE LA FORMATION DE TOUS LES ÊTRES.
ARTICLE Ier. Du Monde en général.
DE L'ORIGINE ET DES PRINCIPALES CAUSES DE LA FORMATION DE TOUS LES ÊTRES.
ARTICLE Ier . Du Monde en général.
Nous concevons, me disoit ce savant vieillard, deux principes dans l’univers
ainsi que dans l'homme ; l'esprit et la matière. De même qu'un corps d'homme
n'agirait point s'il n’avoit pas un principe intérieur de vie qui le fit
mouvoir, ainsi la matière demeure inerte et passive sans cette ame qui lui
communique son activité. Et comme c'est la force vitale qui organise l'homme ou
l'animal, c'est aussi l’ame du monde qui organise l'univers. Chaque membre d'un
homme ou d'un animal, ayant donc sa somme de vie, de sensibilité qui préside à
sa nutrition et à sa réparation, il est nécessaire aussi que chaque partie de
l'univers possède une quantité suffisante de vie pour la faire subsister,
autrement elle serait frappée de mort, comme un membre devenu paralytique, et se
dissoudroit dans les abîmes de l'espace.
La matière, dans le principe des choses, étoit morte, comme on le peut croire,
avant qu'elle ait reçu la semence de vie ou plutôt avant qu'elle se fait
imprégnée de la Divinité. Elle devoit former un amas vaste d'atômes élémentaires
qui remplissoient tout l'espace. C'étoit un océan infini de poussière presque
invisible et de nature simple, qui demeuroit dans un calme éternel, puisqu'il
n'avoit encore reçu aucune propriété, et l'un n'y trouvoit sans doute ni terre,
ni eau, ni air, car ces substances sont déjà des corps composés. L'esprit de
vie, qui est Dieu, pénétrant dans ce chaos, put y établir l'attraction. Alors il
dut se former des combinaisons entre les diverses parties de matière ; elle dut
se déposer autour de plusieurs centres de pesanteur, les plus grandes masses
attirant à elles les plus petites. C'est ainsi que dûrent se former les planètes
au sein d'une vaste mer d'atômes, ou de fluide à l'étal de gaz, de vapeur. La
force de gravitation y établit des espèces de courans circulaires, comme ces
trombes électriques ou tourbillons qui agitent notre atmosphère. Alors chaque
planète voyageant dans l'espace, se grossit de toutes les matières éparses
qu'elle rencontroit dans sa route, de même que ces masses de neige qui, se
détachant du sommet d'une montagne, s'attachent toute la neige qu'elles trouvent
dans leur chute. Les grandes planètes ont même dû entraîner dans leur course les
petites planètes, et en ont formé autant de satellites ; ceux-ci paraissent être
plus nombreux à mesure que l'ellipse décrite par la planète principale est plus
vaste ; ainsi la terre n'a qu'un satellite, Jupiter en a quatre, Saturne sept et
un anneau, la planète d'Herschell plusieurs, etc. D'ailleurs les planètes
doivent être plus grosses à mesure qu'elles décrivent de plus grands cercles,
parce qu'elles ont dû trouver plus que les autres de ces matières éparses dont
elles se sont augmentées ; c'est en effet ce qu'on remarque dans notre système
planétaire, et ce que le savant géomètre Laplace paroit avoir aussi observé
(Voy. sa Mécanique céleste, tom. I). Kepler et Newton donnent même quelques
apperçus à ce sujet.
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